Artisan dans le
secteur du bâtiment, vérifiez votre
assurance décennale !
Plombier, peintre, terrassier, couvreur, électricien, la liste des artisans
amenés à intervenir dans la construction d'un ouvrage est longue ; en revanche,
le champ des obligations d'assurance professionnelle est clairement établi :
les méconnaître peut entraîner, outre des sanctions, des inconvénients
irréversibles pour l'artisan.
L'assurance de
responsabilité décennale fait partie de ces obligations : elle intervient dans
un mécanisme d'assurance qu'il faut savoir décrypter, si l'on veut éviter les
mauvaises surprises. En effet, si la souscription de cette assurance est
obligatoire, il est essentiel pour la santé financière de son entreprise de
savoir analyser son contrat décennale.
L'assurance décennale, un système à double détente :
Pour les biens immobiliers en construction, la loi Spinetta de 1978 a créé l'assurance décennale : c'est un système d'assurance s'imposant à la fois au maître d'ouvrage et au maître d’œuvre et qui couvre les dommages concernés par la garantie décennale pendant dix ans à compter de la réception de l'ouvrage.
La garantie
décennale remonte au Code civil de 1804 : pour simplifier, on dira qu'elle
concerne les dommages de gros œuvre. La loi Spinetta a rendu obligatoire pour
tout constructeur la souscription d'une assurance de responsabilité décennale,
de même que le maître d'ouvrage (le propriétaire par exemple) doit souscrire une assurance dommages-ouvrage.
Cette dernière agit comme un préfinancement : dès la constatation d'un dommage
entrant dans le champ de la garantie décennale, le maître d'ouvrage peut être
indemnisé par son assureur, lequel se retournera contre l'assureur du maître
d’œuvre pour recouvrer l'indemnité versée.
L'artisan, en
raison de la nature de ses interventions lors de la construction ou de la
rénovation d'une maison particulière, d'un immeuble de bureaux ou d'un bâtiment
industriel, est concerné par cette assurance.
S'il y a dommage
entrant dans la garantie décennale, l'artisan est réputé responsable sans que
le maître d'ouvrage n'ait à prouver qu'il y a eu faute de la part de l'artisan.
On voit donc combien il est nécessaire à l'artisan de bénéficier de l'assurance
en responsabilité décennale.
A quel moment faut-il souscrire une assurance en responsabilité décennale ?
La loi est très claire : l'assurance decennale doit être souscrite avant le commencement de l'ouvrage pour tout bien en immobilier neuf ou en rénovation. Seulement, il arrive que l'artisan n'intervienne pas sur les travaux dès le démarrage du chantier. Tout dépend de son secteur d'activité.
Imaginons que le
début des travaux se produise en septembre et que l'artisan n'intervienne qu'en
décembre : la garantie décennale de l'ensemble de l'ouvrage, comprenant les
travaux de cet artisan, démarrera en septembre. En conséquence, l'artisan devra
avoir souscrit son assurance en responsabilité décennale dès le démarrage du
chantier et non au moment où il intervient ; il devra également pouvoir
justifier par une attestation qu'il est bien couvert par cette assurance.
Si l'artisan
souhaite changer d'assureur, il convient d'avoir en tête que la loi Chatel ne
s'applique pas : l'artisan devra être vigilant sur la date d'échéance du
contrat en cours pour le résilier deux mois avant cette date.
Comment analyser un contrat décennale ?
Il n'y a pas de contrat-type pour l'assurance décennale : l'assureur peut offrir des garanties complémentaires, elles joueront sur le coût du contrat ; de même, la nature des activités ou le nombre de chantiers peuvent également influer sur les tarifs proposés.
Il est cependant conseillé de vérifier un certain nombre d'éléments avant de signer le contrat d'assurance décennale :
- les risques
couverts et le montant des garanties : l'artisan doit bien préciser le détail
de ses activités ; des interventions qui tomberont sous le coup de la garantie
décennale et qui n'ont pas été déclarées ne seront pas couvertes par le contrat
d'assurance. En outre, les clauses destinées à réduire l'indemnisation des
dommages est illégale.
La garantie
décennale concerne "des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui
compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses
éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre
à sa destination" (article 1792 du Code civil).
Par exemple, une
fissuration sur un mur porteur compromet la solidité de l'ouvrage ; un défaut
d'étanchéité d'une fenêtre affecte un des éléments équipant l'ouvrage et le
rend impropre à sa destination, qui est de permettre aux occupants de
bénéficier d'un bâtiment les protégeant de la pluie.
Un élément est
constitutif d'un ouvrage "lorsque sa dépose, son démontage ou son
remplacement ne peut s'effectuer sans détérioration ou enlèvement de matière de
cet ouvrage" (article 1792-2 du Code civil) : ainsi en est-il des
installations de plomberie, de chauffage ou d'électricité, par exemple.
Enfin, il faut
entendre la notion de bien immobilier en construction au sens large : ce peut
être du gros œuvre dans des travaux de rénovation ou d'extension d'une
construction existante. Ainsi, la réalisation d'une véranda, l'isolation des
murs ou le ravalement de la façade, par exemple, nécessitent une assurance
décennale.
- le montant de la franchise : la franchise, qui est en fait un découvert de garantie, est une clause-type imposée par voie réglementaire ; il est donc prévu que "l'assuré conserve une partie de la charge du sinistre, selon des modalités fixées aux conditions particulières. Il s'interdit de contracter une assurance pour la portion du risque correspondante." (A243-1 du Code des assurances).
- les exclusions : les seuls cas d'exonération pour l'assuré sont prévus par la loi : le cas de force majeure, le fait du tiers et la faute de la victime du dommage.
Il est à noter,
également, que la garantie décennale ne s'applique pas pour les dommages dont
les conséquences sont uniquement inesthétiques : des fissures dans le dallage
peuvent faire jouer la garantie décennale, mais pas si le dallage est posé
d'une façon qui ne convient pas au propriétaire (dans ce cas, le maître
d'ouvrage peut émettre des réserves sur le procès-verbal de réception des
travaux).
Enfin, la
garantie décennale ne s'applique pas non plus aux "éléments d'équipement,
y compris leurs accessoires, dont la fonction exclusive est de permettre
l'exercice d'une activité professionnelle dans l'ouvrage" (article 1792-7
du Code civil).
- les garanties en option : garantie de bon fonctionnement ou garantie biennale (pour des dommages qui n'entrent pas dans la garantie décennale), garantie des dommages immatériels consécutifs (si le propriétaire est obligé d'être hébergé à l'hôtel en raison des dommages subis dans sa maison, par exemple), garanties de dommages avant réception des travaux (par exemple à la suite d'un incendie ou d'un effondrement),...
La garantie des
dommages aux existants, qui concerne les dommages subis par répercussion sur
les parties anciennes lors d'une extension ou rénovation du bâtiment, fait
partie de la garantie décennale, mais elle est facultative.
La difficulté pour l'artisan sera parfois de déterminer si la nature des travaux qu'il entreprend nécessite une assurance décennale. Si la réponse est évidente pour le gros œuvre dans le cadre d'une construction, elle nécessite peut-être une réponse au cas par cas pour certains travaux.
Ainsi, on peut
considérer que les volets roulants motorisés constituent un élément dissociable
de l'ouvrage quand ils sont posés ultérieurement à la construction du bâtiment,
mais la situation est différente s'ils sont installés lors de la construction :
les juges ont estimé qu'un système motorisé de volets roulants défectueux était
de nature à rendre impropre à l'habitation l'immeuble concerné ; ils ont donc
statué sur l'application de la garantie décennale et condamné l'installateur
des volets à réparer le dommage.
Lorsque le Code
civil n'apporte pas les précisions nécessaires, il faut bien souvent se référer
à la jurisprudence. Aussi, par prudence, les assureurs recommandent-ils aux
artisans intervenant sur un chantier de construction ou de rénovation la
souscription d'une assurance décennale pour des travaux qui ne paraissent pas
couverts par l'obligation légale, mais qui concernent des équipements dont le
caractère indissociable à l'ouvrage lui-même ne peut être absolument écarté.